Covid-19 : Vols annulés, vols remboursés ?
Paris, le 2 Avril 2020 – Plus les journées passent, et plus la crise liée au Covid-19 prend de l’ampleur pour les compagnies aériennes. L’impact est aujourd’hui mondial et un grand nombre de compagnies aériennes clouent peu à peu leurs flottes, comme le montrent nos infographies publiées sur nos réseaux sociaux. Paris-Orly, second aéroport français et accueillant 32 millions de passagers par an, a fermé ses portes mardi soir et ce pour une durée indéterminée. Les vols annulés se comptent par dizaines de milliers, du jamais vu. Face à ces annulations, passagers et compagnies aériennes se retrouvent dos à dos. Les uns réclamant le remboursement de leur billet, les autres protégeant leur trésorerie (cf notre dernier article). Flight-Report vous propose de faire le point sur vos droits en tant que passager dans l’Union Européenne en cas de vol annulé et sur la possibilité, ou non, d’obtenir un remboursement.
Covid-19, une circonstance extraordinaire ne privant pas les compagnies aériennes du remboursement
La pandémie de Covid-19 étant une situation échappant au contrôle des compagnies aériennes, elle a été qualifiée sans surprise de circonstance exceptionnelle, en vertu du règlement (CE) n°261/2004. Concrètement, cela signifie que les compagnies aériennes n’ont pas à verser d’indemnisation aux passagers en cas de vol annulé en raison du Coronavirus. En revanche, les autres champs du texte restent d’actualité, parmi lesquels la question du remboursement. En cas d’annulation et ce quel qu’en soit le motif et préavis, toute compagnie aérienne de l’Union Européenne (27 Etats + Islande, Suisse, Norvège et Royaume-Uni), ou compagnie étrangère à l’UE pour un vol au départ de l’UE (non valable pour un vol retour sur une compagnie étrangère à l’UE), est tenue de rembourser le client qui en fait le demande dans les meilleurs délais. A ce titre, un passager voyageant sur Air France, Easyjet, Ryanair, Lufthansa, … et dont le vol est annulé, doit pouvoir être remboursé s’il en fait la demande auprès du service client. Une communication de la commission européenne, en date du 18 Mars dernier, confirme bien l’application de ce règlement dans le cadre de la crise entraînée par le Covid-19.

Le recours aux avoirs, solution miracle ?
Alors que le règlement européen est pourtant très clair concernant la question du remboursement, de nombreux passagers expriment, à la fois sur les réseaux sociaux et dans les médias, l’impossibilité d’obtenir un remboursement. Peut-être est-ce d’ailleurs votre cas également. Il n’est en effet pas dans l’intérêt des compagnies aériennes de rembourser les passagers. C’est même une question de survie pour certaines. Les trésoreries ne sont pas suffisantes pour couvrir à la fois les frais fixes opérationnels et les remboursements de passagers, alors que les rentrées de liquidités provenant des nouvelles réservations se sont effondrées. La parade trouvée par de nombreuses compagnies est le recours massif aux avoirs non remboursables, avec une durée de validité de généralement 1 an. Cette pratique, de plus en plus utilisée, permet aux compagnies aériennes de protéger leurs trésoreries et de ne « pas perdre » dans la durée leurs clients. Certaines compagnies majorent même la valeur des avoirs, un peu comme un compte épargne ! Air Baltic offre par exemple 20€ de crédit supplémentaire, Swiss 50€ de crédit, et Qatar Airways 10% de la valeur totale HT du billet non utilisé. Des mesures commerciales plutôt salutaires pour les passagers, et protectrices pour les compagnies aériennes.

Néanmoins, tous les passagers ne pourront se contenter d’un avoir et un nombre conséquent souhaite se faire rembourser, conformément au droit européen.
Qu’en est-il réellement de la possibilité de se faire rembourser ?
Un règlement appliqué dans les faits ?
Dans les circonstances actuelles, se faire rembourser est un véritable parcours du combattant. Mauvaise volonté des compagnies aériennes ? Pas uniquement. Les capacités de traitement des requêtes par des services commerciaux débordés sont aujourd’hui limitées, tant les volumes à traiter sont conséquents. Il faut donc faire preuve de compréhension étant donné les circonstances.
Cependant, un nombre conséquent de compagnies aériennes entretient un très grand flou autour du remboursement. Certaines découragent les passagers, comme British Airways, obligeant ses passagers à appeler des services clients injoignables pour être remboursés, alors que les procédures pourraient être faites en ligne. Il en va de même pour Corsair ou encore Easyjet, qui ne mentionnent que les possibilités de report ou d’avoir sur leurs sites internet. Rien ne prouve que les compagnies citées ne pratiquent pas de remboursement une fois les services clients contactés, mais il s’agit d’un vrai parcours du combattant, en témoignent les récits de clients. Chez Swiss par exemple, les informations sont même contradictoires d’une page à l’autre…

D’autres compagnies aériennes appliquent la transparence, comme SAS, Ryanair, Air Baltic ou encore Norwegian, donnant accès avec plus ou moins de visibilité à des formulaires en ligne de remboursement. Les délais de remboursement seront vraisemblablement élevés pour les passagers concernés, mais ces derniers ont au moins l’assurance du respect de leur droit.
Le cas d’Air France-KLM en cas de vol annulé
Du côté de notre compagne nationale, l’obtention d’un remboursement n’est désormais plus possible via le site internet. Air France ne mentionne que la possibilité de report sans frais, ou d’avoir. A noter qu’il est écrit clairement que cet avoir est remboursable s’il n’est pas utilisé dans sa totalité au moment de son expiration. Une pratique plus correcte que certaines compagnies aériennes, mais pas conforme à la réglementation européenne si nous nous en tenons strictement au texte.

L’impossible remboursement de tous les passagers ?
Aux dernières déclarations d’Alexandre de Juniac, ex PDG d’Air France-KLM et aujourd’hui directeur général de l’IATA (International Air Transport Association), les compagnies aériennes avaient cumulé 35 milliards d’euros de billets non utilisés, dont 10 milliards d’euros rien qu’en Europe. Additionnez à cela les coûts liés à l’immobilisation de leurs avions et de leur personnel et vous obtenez une situation intenable. C’est une crise sans précédent que nous vivons, plongeant toute une industrie et leurs personnels dans une très grande incertitude. De l’autre côté, les clients des compagnies aériennes ne demandent que l’application légitime du droit européen, un droit qui paraît totalement inapplicable, à moins d’entraîner faillites et chômage de masse. Les réponses à ces défis s’annoncent économiques, mais surtout politiques, avec l’intervention des Etats et de l’Union Européenne.
Affaire à suivre…