Paris, le 13 février 2020 – Avec le développement des compagnies low-cost et la baisse générale des prestations, rares sont les nouvelles positives sur le terrain de l’expérience passager pour les clients des vols intérieurs français.

Pourtant Air France a su créer la surprise lorsqu’elle a annoncé, l’automne dernier, le retour d’un produit Business pour les vols domestiques. De quoi soulever de nombreuses interrogations auxquelles Flight-Report va tenter de répondre.


La disponibilité de l’offre ?

La bonne surprise de cette nouvelle offre, au contraire de ce que l’on aurait pu penser, c’est qu’elle n’est pas réservée qu’aux vols au départ et à l’arrivée du hub de Paris Charles de Gaulle.

Ainsi le produit Business domestique est proposé :

  • De/vers Paris Orly, Paris Charles de Gaulle
  • De/vers les régions françaises (à l’exception de la Corse)
  • Sur Airbus A318, A319, A320 & A321, Embraer 170 & 190, CRJ700 & 1000

Le surplus tarifaire ?

Si cette nouvelle offre Business est proposée sans surcoût dans le cadre d’un pré/post acheminement vers/depuis un vol moyen-courrier (Europe) ou long-courrier, une stratégie prix a été adoptée par le Revenue Management d’Air France pour le point à point.

Il faut compter un surplus d’environ 120€ sur un billet aller-retour entre la classe Economy (RBD* H & K) et la Business (RBD* O) avec les mêmes conditions (70€ de frais de changement, non remboursable).

En flex, l’écart moyen entre l’Economy (RBD* P, M, D, B, Y & A) et la Business (RBD* Z, I & C) est de 269€.

A titre d’exemple, un Paris – Nice aller-retour en Economy (classe tarifaire H1SRFR) coûtera 308€ (253€ et 55€ de taxes) alors qu’en Business (classe tarifaire OSRFR) il coûtera 459€ (365€ et 94€ de taxes).

*Reservation Booking Designator : classe de reservation

La clientèle ciblée ?

Avec cette nouvelle Business sur le réseau domestique, Air France cible en toute logique les voyageurs d’affaires que nous pouvons segmenter en deux catégories :

  1. Les clients Business au départ de la province ayant une correspondance à Charles de Gaulle/Orly vers une destination du réseau moyen ou long-courrier de la compagnie. Auparavant ces clients devaient s’asseoir, faute de choix, en cabine Economy pour leurs vols de pré et post acheminement.

Pour Air France, c’était un désavantage majeur car ces mêmes clients ont aussi la possibilité de transiter via les autres hubs européens (Londres Heathrow avec British Airways, Munich/Francfort avec Lufthansa, Zurich avec SWISS ou Madrid avec Iberia) avec une expérience Business de bout en bout. Les équipes commerciales de la compagnie française pourront maintenant promettre une expérience Business continue et être ainsi plus compétitive face aux concurrents.

  1. Les clients Business en « point à point » puisque Air France a décidé de proposer sa nouvelle cabine Business sur la quasi-totalité de ses vols domestiques, y compris transversaux. Ici Air France sera sans concurrence puisque l’autre alternative se limite essentiellement à easyJet.

Une expérience au sol insuffisante ?

L’un des avantages d’un billet en classe Affaires sur les vols de courte durée est l’expérience au sol qui proportionnellement au temps de vol est plus importante que lors d’un long-courrier.

Si certaines faiblesses du parcours Sky Priority, à savoir :

  • Le manque de banques d’enregistrement Sky Priority dans certains aéroports de province
  • L’embarquement prioritaire à Paris Orly et dans certaines escales de province qui n’est pas systématiquement appliqué
  • La médiocrité de l’offre des salons Air France pour les vols intérieurs (Paris Orly 2, Lyon et Bordeaux), voir l’absence totale de salon

peuvent être acceptées par les passagers fréquents encartés (Flying Blue Silver, Gold, Platinum, SkyTeam Elite, Elite+), cette expérience pourrait être jugée largement insuffisante pour un client s’étant acquitté d’un billet Business.

En revanche les salons Air France à Charles de Gaulle (2F1, 2F2 et 2G) ainsi que les salons tiers des aéroports de Nice, Mulhouse et Marseille offrent une expérience globalement satisfaisante. Mais les salons tiers des aéroports de Montpellier et Toulouse proposent eux, une expérience un ton en dessous, plus proche de celle des salons d’Air France pour les vols intérieurs.

Un véritable produit Business ?

A bord, Air France aurait pu faire le choix d’un service Business identique à celui proposé sur ses vols européens de courte durée.

Bien sûr, cela nécessite de la logistique avec la gestion de plateaux repas « frais », donc un avitaillement régulier des vols que cela soit à Paris mais aussi en région, voire un double emport (aller et retour) comme le font la plupart des compagnies en Europe.

Une logistique tout à fait possible car la compagnie est capable de le faire pour les plateaux repas des équipages et auparavant pour charger les BOCO disponibles en précommande.

Cependant, Air France a préféré ne pas proposer de frais mais simplement des snacks sucrés/salés améliorés. C’est très décevant, d’autant plus que toutes les autres compagnies européennes (à l’exception d’Alitalia) avec un produit Business domestique proposent du « frais ».

Pour différencier son offre de la cabine Eco, Air France met surtout en avant la proposition de champagne, un marqueur bienvenu en classe Affaires. Mais, méfiez-vous du visuel savamment photographié par le dessus afin de faire croire à un véritable verre.

Visuel Corporate Air France

Celui-ci est en réalité proposé dans un gobelet en plastique, par ailleurs, aucune trace de la petite assiette.

Prestation Air France en Business sur vols domestiques, © Papoumada sur FR #47811

Par ailleurs, le champagne n’est proposé que pour les vols à partir de 9h30, avant, il faudra se contenter d’une offre identique à celle proposée derrière le rideau.

Il est vraiment dommage qu’Air France n’est pas fait l’effort d’améliorer son offre liquide sur ses vols matinaux, d’autant plus que les clients Business font souvent des allers-retours en journée et empruntent donc un vol tôt le matin.

Trois idées simples auraient permis de valoriser l’offre du début de journée :

  • La proposition d’un jus d’orange frais
  • Une offre de smoothies
  • L’installation d’une machine à expresso

Si la bouteille de champagne est sympathique pour les photos corporate, la proposition d’un véritable expresso ou d’un jus d’orange frais aurait fait la différence auprès de cette clientèle exigeante.

Offre Business d’Air France sur un vol domestique avant 9h30, © 4ntoon sur twitter

Le paradoxe écologique ?

Cette décision d’introduire une cabine Business est étonnante dans un climat tendu en termes de réduction des gaz à effet de serre pour le secteur aérien. Air France est d’ailleurs assez offensive et aime communiquer sur ce sujet, et, à l’instar de British Airways, elle a décidé de rendre ses vols domestiques neutres en carbone.

Or, et c’est tout là le paradoxe, l’introduction de cette Business domestique impose de neutraliser volontairement les sièges centraux et donc d’aggraver de 50% le bilan carbone des passagers Business de ces vols.

Bien sûr, toutes les compagnies proposant une classe Affaires « à l’européenne » sont concernées par ce paradoxe, ce que n’a d’ailleurs pas manqué de remarquer Jozsef Varadi, le PDG de Wizz Air qui a demandé, pour des raisons écologiques, la suppression de la classe Affaires pour les vols de moins de cinq heures.

Une cabine pour « les copains » ?

Enfin, et c’est l’un des plus gros tabous d’Air France, il est notoriété publique que d’assister régulièrement à des surclassements dits « sauvage », c’est à dire effectués porte fermée et hors du schéma autorisé.

Aussi, le nombre de GP sur les vols domestiques est proportionnellement bien plus important que sur les autres lignes car de très nombreux membres d’équipages qui habitent en province vont prendre leur service à Paris Charles de Gaulle afin d’opérer leur vol. Il ne fait nul doute que ces cabines Business domestiques seront très souvent pleines de personnels navigants et autres passagers disposants de gratuités partielles (GP).

Cela reste une bonne nouvelle !

Ce nouveau produit Business peine à convaincre pleinement. Cependant et aussi faible soit la proposition, le fait de garantir le siège du milieu neutralisé pour les passagers en correspondances est déjà une avancée. Le produit reste intrinsèquement insuffisant pour concurrencer efficacement les autres compagnies européennes et ne parlons même pas du développement des compagnies long-courrier au départ de la province comme l’arrivée cette année d’Air Canada à Toulouse, de Qatar Airways à Lyon ou de Gulf Air à Nice.

Sur le point à point, là encore, on a du mal à croire que des clients seront prêts à payer pour une offre marginalement améliorée, le plus décevant étant probablement pour les vols avant 9h30 où aucun effort sur les boissons n’a été fait. Les compagnies américaines proposent certes une offre composée de snacks sur leurs vols les plus courts mais elles ont au moins le mérite d’offrir un véritable siège Business. Ici Air France propose le pire des deux mondes : un siège Eco neutralisé et des snacks.

Enfin, et même si le produit Economy reste inchangé, les clients Platinum, Abonnés et Flex seront probablement déçus de ne plus avoir accès aux premiers rangs.

L’avenir montrera la viabilité économique de ce produit « mieux que rien » et espérons que celui-ci sera peaufiné pour mieux répondre aux attentes des clients.