Air France KLM fait le pari des carburants d’aviation durables (SAF) pour sa décarbonation
Paris, le 7 juin 2023 – Alors que Jean-Marc Jancovici proposait de limiter les voyages en avion à 4 vols par personne sur toute une vie, et alors que le Ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, indiquait qu’il souhaitait interdire les trajets en avion si une alternative en train de moins de 3h (au lieu de 2h30) existe, le même jour, le groupe Air France KLM tenait, au sein de son siège de Charles de Gaulle, une « masterclass » dédiée aux carburants d’aviation durables ou Sustainable Aviation Fuel (SAF).

L’histoire du SAF chez Air France
C’est à partir de 2011 qu’Air France a commencé à incorporer du carburant d’aviation durable dans ses avions : d’abord sur quelques vols tests, puis de manière plus fréquente en 2015, notamment sur la Navette entre Paris Orly et Toulouse sous la bannière Lab’line for the future.



En 2023, Air France incorpore en moyenne 1% de SAF sur ses vols, ce qui représente un investissement de 100 millions d’euros par an. Les filières de production étant encore limitées, son coût est plus élevé, de 4 à 8 fois plus haut que celui du kérosène traditionnel.
L’enjeu est de faire émerger une filière française ou européenne de production de SAF, et non pas de dépendre des Américains.
Anne Rigail, Directrice Générale, Air France
Le SAF acheté par Air France KLM permet de réduire de 75% les émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie. Il est obtenu à partir d’huiles usagées, de déchets agricoles, et ne rentre pas en concurrence avec la production alimentaire. Le SAF peut aussi être créé synthétiquement à partir de CO2 capturé dans l’atmosphère et d’hydrogène.

La feuille de route d’Air France KLM face à la loi européenne sur le climat
Air France KLM veut accélérer fortement l’incorporation de SAF dans ses vols en s’imposant des objectifs plus ambitieux que ceux indiqués dans la loi européenne sur le climat. Le groupe suit globalement la montée en puissance de l’incorporation du SAF dans l’aviation commerciale, mais il souhaite l’appliquer à l’ensemble de ses trajets et non pas seulement à ses vols au départ de l’Union Européenne, comme le prévoit la loi.
A noter que certains pays ont des obligations plus importantes que ceux de l’Union Européenne : le Royaume-Uni a prévu d’imposer 10% d’utilisation de SAF en 2030, et les compagnies de l’alliance oneworld se sont elles aussi fixées un objectif de 10% de SAF en 2030.
Part de SAF dans le transport aérien | 2023 | 2025 | 2030 | 2050 |
Objectifs du groupe Air France KLM (tous les vols) | 1% | 2% | 10% | 63% |
Loi européenne sur le climat « Ajustement à l’objectif 55 » (vols au départ de l’Union Européenne uniquement) | 1%* | 2% | 5% | 63% |

Les autres piliers de la décarbonation du groupe Air France KLM
Afin de tenir ses objectifs, la trajectoire de décarbonation du groupe s’appuie sur 4 piliers :
1. Renouvellement des flottes
Avec 2 milliards d’euros d’investissements par an, c’est aujourd’hui le pilier le plus important, permettant de réduire de 20 à 25% les émissions de CO2 par rapport aux appareils de la génération précédente.
- Airbus A220-300 et Airbus A350-900 pour Air France (en remplacement respectivement des Airbus A318, A319, A340 et Boeing 777-200)
- Airbus A320neo et A321neo pour KLM et Transavia (en remplacement des Boeing 737-700/800/900)
- Boeing 787 pour KLM (en remplacement des Boeing 747-400)
- Airbus A350F pour Air France Cargo et KLM Cargo (opéré par Martinair), en remplacement des Boeing 747-400F de KLM Cargo
2. Utilisation de SAF
Comme indiqué précédent, le groupe parie sur le SAF depuis plus de 10 ans. En 2023, Air France KLM a acheté 17% du SAF produit sur la planète alors qu’elle ne consomme que 3% du carburant traditionnel.
3. Optimisations opérationnelles
Cela passe par un ensemble de mesures, tant en vol avec l’éco-pilotage (profil de vol optimisé par exemple) qu’au sol (optimisation des temps de roulage), avec l’utilisation par exemple de matériel de piste électrique.
4. Puits de carbone
Pour atteindre le net zéro en 2050, le groupe envisage aussi des financements dans des mécanismes divers de compensation comme la reforestation ou le captage de CO2 dans l’atmosphère.


Conclusion
Dans une actualité où le secteur aérien est quotidiennement montré du doigt, Air France KLM tente de prendre les devants en expliquant sa stratégie de décarbonation pour les décennies à venir. A l’inverse d’autres compagnies comme SAS ou United qui misent sur des avions électriques, le groupe fait plutôt le pari des carburants d’aviation durables comme levier phare pour atteindre l’objectif ambitieux du secteur de « net zéro » à l’horizon 2050.
Mais avant cela, il va lui falloir réussir 3 défis :
- Réussir à s’approvisionner en SAF, et si possible en France voire en Europe. Un défi qui ne s’annonce pas simple car les carburants de synthèse sont produits à base d’électricité, une ressource elle même en tension sur le continent européen depuis des années.
- Réussir à faire accepter aux clients que les billets d’avions seront plus chers à l’avenir à cause du SAF. Selon les calculs d’Air France KLM, cela représenterait un surplus de 100€ en classe économique sur un vol long-courrier aller-retour. Les entreprises seront probablement les premières à l’accepter du fait de leurs politiques RSE, mais cette élasticité prix est bien plus problématique pour les voyageurs individuels.
- Réussir à avoir un cadre légal le plus global possible engageant un maximum de pays signataires afin d’éviter des distorsions de concurrence entre les compagnies aériennes.

