Paris, le 04 décembre 2019 – Il y a quelques semaines, Transavia et easyJet annonçaient la standardisation respective de leur système de correspondances à Orly afin de proposer davantage de possibilités d’itinéraires à leurs passagers. Facilitées par la récente jonction des deux terminaux historiques, ces annonces viennent compléter une actualité exceptionnellement riche pour l’aéroport d’Orly en 2019.

Plus de six mois après l’inauguration du nouvel Orly 3, Flight-Report fait le bilan des nouvelles dynamiques qui se dessinent au sein du deuxième aéroport français.


« PARIS-ORLY CHANGE » : QUELS IMPACTS SUR L’EXPERIENCE PASSAGER ?

Dans la nuit du 18 au 19 mars 2019, l’aéroport d’Orly a vu le découpage de ses terminaux changer : finis Orly Sud et Orly Ouest, place à Orly 1-2-3-4. Ce réaménagement met un terme à la séparation de l’aéroport en deux aérogares distinctes et inaugure l’avènement d’un ensemble unique découpé en 4 zones : Orly 1 et 2 correspondent aux satellites qui composaient Orly Ouest tandis qu’Orly 4 est la nouvelle dénomination donnée à Orly Sud. Un nouveau terminal, Orly 3, assure depuis le 16 avril 2019, date de son inauguration, la jonction des deux ensembles.

En terme de localisation des compagnies, cette réorganisation a surtout des répercussions sur le groupe Air France – KLM puisque les vols Transavia, précédemment au départ d’Orly Sud, décollent maintenant du nouvel Orly 3, tandis que les vols long-courriers Air France (ainsi que quelques vols intérieurs Air France) déménagent également d’Orly Ouest à Orly 3. Le groupe est rejoint par la low cost Level et la compagnie Air Corsica qui ont aussi quitté Orly Ouest pour rejoindre le nouveau terminal.

Flight-Report a souhaité mesurer les effets de cette réorganisation, ainsi que de l’inauguration du nouveau terminal, sur l’expérience passager.

Globalement, les contributeurs de Flight-Report ont estimé que l’ensemble de la plateforme d’Orly a connu une légère amélioration à la suite des réaménagements. La note globale de l’aéroport passe de 7,4/10 à 7,5/10.

Ce sont surtout les gains au niveau de la gamme de services proposés (+0,2 point) ainsi que la plus grande propreté (+0,2 point) qui tirent la moyenne vers le haut. Nos contributeurs ont notamment relevé la netteté et la propreté d’Orly 3. La note de fluidité est néanmoins en légère baisse (-0,1 point), certainement due au temps d’adaptation des équipes au nouveau terminal et à la nouvelle configuration globale de la plateforme.

Rappelons que la période du passage d’Orly Sud/Ouest à Orly 1-2-3-4 a également été le théâtre de plusieurs évènements impactant les opérations de l’aéroport : la faillite d’Aigle Azur en septembre dernier (dont les créneaux n’ont pas encore été redistribués) a eu pour effet de désengorger Orly 4, tandis que la réorganisation du trajet de l’Orlybus (qui ne dessert plus Orly 1-2-3 dans le sens Orly-Paris depuis mai 2019) a amélioré l’accessibilité d’Orly 4 au détriment d’Orly 1-2-3 (qui abritent ceci-dit toujours l’Orlyval).

À défaut d’un volume suffisant de reports, les résultats par terminaux n’ont pu être proprement analysés et feront l’objet d’un futur article sur Flight-Report.

DE NOUVELLES POSSIBILITÉS DE CORRESPONDANCES

La jonction des nouveaux terminaux permet un parcours fluidifié au sein de l’aéroport : on peut désormais joindre, sans quitter l’enceinte de l’aéroport, Orly 1 à Orly 4. Cela facilite incontestablement la possibilité de correspondances à Orly, aujourd’hui réduite à 6,8% de passagers en transit (2018). Sur ce nouveau segment, easyJet et Transavia ont déjà engagé les hostilités.

Transavia a été la première, début Octobre, à annoncer la mise en place de « Transavia Smart Connect » : une solution de correspondances entre les différentes destinations du réseau Transavia. Il ne s’agit cependant pas d’un transit au vrai sens du terme mais d’une simple combinaison de vols (mise en place par DoHop) : à titre d’exemple, le passager doit s’enregistrer séparément pour chacun des vols de son itinéraire. Quant aux bagages en soute, il faut également les récupérer et les réenregistrer à l’escale d’Orly.

Cela permet à Transavia de proposer à travers Orly de nouveaux itinéraires comme Porto-Reykjavik ou Lisbonne-Tunis. Au total, le réseau Transavia au départ d’Orly permet à la compagnie de proposer plus de 700 nouveaux itinéraires (théoriques) en correspondance. Bien que la plateforme Transavia Smart Connect n’intègre aujourd’hui que les vols Transavia France et Transavia Holland, d’autres compagnies aériennes seront ajoutées à la plateforme d’ici la fin de l’année. A priori, Transavia profitera notamment des liaisons long-courriers d’Air France au départ d’Orly 3 pour proposer des correspondances moyen-long courriers.

Fin Octobre, c’est easyJet qui annonçait le lancement de « Worldwide by easyJet » à Orly, également en partenariat avec DoHop, permettant aux passagers de réserver des itinéraires avec correspondance à Orly sur l’ensemble de son réseau. Contrairement à Transavia, la low cost britannique propose déjà sur sa plateforme des correspondances moyen-long courriers en partenariat avec Corsair et La Compagnie, profitant ainsi d’une large exposition aux destinations américaines, antillaises et africaines.

Néanmoins, la diversité du réseau Transavia permet un plus grand nombre de correspondances sur le réseau propre moyen-courrier, ainsi qu’un parcours simplifié à Orly dans l’hypothèse d’une correspondance sur un vol long-courrier, puisque les vols long-courriers Air France partiraient du même terminal. A contrario, les passagers easyJet en correspondance sur un vol Corsair ou La Compagnie devront faire le trajet d’Orly 2 à Orly 4 (et inversement).

RÉPARTITION DES ANCIENS CRÉNEAUX D’AIGLE AZUR : NOUVELLE DISTRIBUTION DU TRAFIC A ORLY ?

La récente faillite de la compagnie Aigle Azur a libéré une quantité non-négligeable de créneaux au départ et à l’arrivée d’Orly (4% des créneaux actuels). Leur répartition est désormais un enjeu stratégique pour le futur de la plateforme.

Actuellement, le trafic à l’aéroport d’Orly est largement dominé par Air France (39% des créneaux), suivie par Transavia (13%), easyJet (10%) et Vueling (7%). A lui seul, le groupe Air France–KLM dispose de plus de la moitié des créneaux (54%), tandis qu’IAG se place second avec 12% des créneaux (part qui prend en compte la récente acquisition de la compagnie Air Europa).

Aigle Azur ayant fait faillite, au total ce sont 9.150 créneaux (soit l’équivalent de 12 vols quotidiens) qui ont été confiés à l’agence COHOR pour les répartir entre les compagnies intéressées. Et les candidats devraient être nombreux. D’une part, le volume de créneaux libéré par Aigle Azur est intéressant pour attirer de nouveaux entrants qui voudraient se développer rapidement sur la plateforme. D’autre part, le nombre de créneaux de vols à Orly étant artificiellement limité par la loi à 250.000 par an, les compagnies opérant déjà à Orly pourraient être intéressées d’accroître davantage leur présence en augmentant la fréquence de certaines lignes ou en en ouvrant de nouvelles.

L’État a la possibilité de réserver jusqu’à 20% de ces nouveaux créneaux à des liaisons d’obligations de service public (OSP), une option qu’il devrait exercer en intégralité. A se fier à la distribution actuelle des créneaux OSP, les 20% ponctionnés par l’État profiteraient en grande partie aux transporteurs français (notamment Air France et Air Corsica).

Une fois les créneaux OSP répartis, COHOR a pour consigne de répartir les créneaux restants (au moins 80% du pool) à 50-50 entre les nouveaux entrants et les exploitants actuels de l’aéroport. Pour ce qui est des nouveaux entrants, priorité sera donnée aux lignes communautaires où moins de 3 acteurs sont présents. Pour les exploitants actuels, aucune règle n’est fixée. Le volume de demandes attendu pourrait ainsi aboutir à un émiettement du pool de créneaux si COHOR ne souhaite privilégier aucune compagnie ou aucun groupe en particulier. Historiquement la répartition ne s’est pas faite au prorata des créneaux actuels.

En fonction des décisions prises par COHOR, Orly pourrait prendre une toute autre forme ou voir se poursuivre les tendances des dernières années. La part du low cost, qui représente 40% du trafic en nombre de passagers en 2018, pourrait poursuivre son ascension.

Il s’agira également de savoir si de nouveaux horizons s’ouvriront à Orly ou si les destinations historiques seront renforcées. Pour rappel, Orly bénéficie d’un trafic essentiellement local et d’un tropisme plutôt méditerranéen (France méridionale, péninsule ibérique, Maghreb) et antillais. Ainsi la France est de loin le pays le plus fréquemment desservi devant l’Espagne et le Maroc. La destination la plus desservie est Toulouse, avec 28 vols quotidiens au départ d’Orly. La destination internationale qui arrive en tête est Madrid, une position que la capitale espagnole devrait maintenir avec l’ajout d’une liaison Air France sur cette ligne à partir du printemps prochain.

MAJ 06 décembre 2019 : Le 5 décembre, COHOR a rendu public le résultat d’attribution des anciens créneaux d’Aigle Azur. Le pool de créneaux disponibles s’élevait finalement à 9.868 créneaux, l’État ayant préempté 20% du pool initial de 12.335 créneaux.

Sur les 9.868 créneaux, 4.758 (48%) ont été distribués à 5 compagnies opérant déjà au départ d’Orly. Ce sont surtout les compagnies françaises qui ressortent gagnantes de l’opération puisque Corsair, Air Caraïbes et Transavia récupèrent chacune 1.460 créneaux (soit 2 vols quotidiens) tandis que La Compagnie se voit attribuer 312 créneaux (3 vols hebdomadaires). TAP Air Portugal, seule compagnie étrangère, reçoit 66 créneaux pour la période estivale. Les compagnies concernées devraient annoncer dans les prochaines semaines les lignes que ces créneaux permettront d’opérer.

D’autre part, 5.110 créneaux (52%) ont été distribués à 4 nouveaux entrants. Lufthansa et Wizz Air débarquent ainsi à Orly avec chacune 1.460 créneaux (2 vols quotidiens) : Lufthansa desservira Munich à raison de 2 vols par jour, tandis que Wizz Air proposera 1 vol quotidien vers Budapest et 1 vol quotidien vers Sofia. Du reste, easyJet et Air France Hop, déjà présentes à Orly, profitent du jeu des filiales pour obtenir le statut de nouvel entrant et gagner respectivement 1 liaison quotidienne vers Glasgow et 2 liaisons quotidiennes vers Francfort.

Le groupe IAG, l’un des principaux opérateurs à Orly, apparaît comme l’un des grands perdants de cette distribution puisqu’aucune de ses compagnies ne s’est vue attribuée de créneaux. Vueling avait notamment demandé 51 liaisons hebdomadaires (principalement à destination de l’Espagne, l’Italie et l’Europe centrale). Par ailleurs, ASL Airlines, qui espérait faire son entrée à Orly en demandant pas moins de 56 liaisons hebdomadaires, notamment pour ré-ouvrir les lignes fermées par Aigle Azur à destination de l’Algérie, ne bénéficie finalement d’aucun créneau.

Du côté des destinations, les mécanismes européens favorisant les liaisons intra-communautaires, aucun des 91 créneaux hebdomadaires vers l’Algérie demandés par les nouveaux entrants n’a été attribué. L’Algérie, premier marché de la défunte Aigle Azur, ressort donc comme l’une des grandes surprises de cette allocation.

UN TRAFIC REDUIT SOUS L’INFLUENCE DES TRAVAUX FIN 2019

Depuis juillet 2019, un large chantier ayant pour but de reconstruire entièrement l’une des pistes principales d’Orly (la piste 08/26, aussi appelée piste 3) a sensiblement affecté le trafic de l’aéroport : vols déplacés ou annulés, trajectoires de décollage et d’atterrissage inédites, opérations en piste unique … Le tarmac et les environs d’Orly ont offert un show original le temps d’un semestre !

Reposant habituellement sur ses deux pistes principales, la 08/26 la 06/24, Orly s’est vu amputé pendant 5 mois, du 28 juillet au 2 décembre, d’un pilier de ses opérations aériennes. En conséquence, les compagnies ont dû ajuster leur programme de vols à la baisse pour réduire le volume de trafic sur la plateforme. Les décollages et les atterrissages se sont donc enchaînés sur une piste unique (la 06/24), mettant au défi les contrôleurs aériens et les pilotes qui ont opéré en flux tendu. La piste 02/20, très rarement utilisée à Orly en temps normal, a également été occasionnellement sollicitée pour les décollages de certains petits et moyens porteurs.

Certaines trajectoires de départs et d’arrivées sont donc presque inédites pour l’aéroport, ce qui a notamment été un sujet important de discussions avec les riverains. Vous pouviez par exemple observer des avions décollant ou atterrissant au ras de la route nationale 7, spectacle garanti !

Remise en service depuis le 2 décembre 2019, la piste 3 d’Orly s’est également vue renommée piste 07/25.

CONCLUSION

« Paris-Orly Change », voilà qui est incontestable. Depuis son inauguration il y a exactement 110 ans jusqu’à aujourd’hui, peu d’années ont autant imprimé de transformations à l’aéroport d’Orly que l’année 2019, tant au niveau de l’expérience passager qu’à l’égard des dynamiques stratégiques régissant la plateforme.

Le passage d’Orly Sud/Ouest à Orly 1-2-3-4 semble avoir apporté des améliorations significatives qui s’affirmeront certainement davantage dans un futur proche sous l’effet de la concrétisation d’autres chantiers (nouveau salon Business Air France à Orly 3 en 2020, réaménagement de la zone de départ international à Orly 4 en 2020, gare aéroport d’Orly en 2024).

Aéroport de voyageurs essentiellement locaux par son passé, Orly, par sa réorganisation, crée désormais des possibilités inédites de correspondances s’appuyant sur la diversité et la puissance du réseau low cost. La course est lancée entre easyJet et Transavia pour contrôler cette activité de transit émergente.

Mais l’équation Orly s’est également complexifiée en 2019 avec l’apparition de nouvelles inconnues. La répartition des créneaux si convoités de la défunte Aigle Azur, annoncée pour mi-décembre, ainsi que l’issue du projet de privatisation du groupe ADP attendue en 2020, permettront incontestablement de dessiner plus clairement le futur visage du deuxième aéroport français.


Méthodologie

Moyenne des notes attribuées par les contributeurs de Flight-Report à l’aéroport d’Orly (départ et arrivée), portant sur des récits de voyages effectués depuis le 19 Mars 2019 (mars 2019 – octobre 2019) et 12 mois auparavant (mars 2018 – mars 2019). 371 récits ont été comptabilisés pour établir ces moyennes.

Données de trafic pour une semaine type en novembre 2019 au départ d’Orly.

* Calcul effectué dans l’hypothèse de la concrétisation des connections avec les vols long-courriers Air France au départ d’Orly.

Photo mise en avant © Bruno Pellerin ADP

Infographie #31 - 2019 : De nouveaux horizons pour Paris-Orly ?